Responsabiliser le numérique : enjeux discursifs et socio-professionnels
1er octobre 2024, Catalyseur de Paris Ouest La Défense, La défense, France.
Objectif de la journée
En France, le numérique responsable s’est imposé comme le cadre conceptuel dominant pour aborder la problématique des impacts sociaux et environnementaux du numérique. Partant de ce constat, les organisateurs de cette journée ont proposé une réflexion portant sur les actions menées en faveur du numérique responsable sur le plan politique, sur le plan professionnel ou sur celui de l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, une dizaine d’interventions ont permis d’aborder non seulement le numérique responsable et la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux du numérique dans plusieurs domaines, mais aussi des modèles concurrents ou complémentaires, permettant de mieux appréhender ces enjeux.
Programme
Approches critiques du numérique responsable
La journée s’est justement ouverte par une présentation de ces modèles alternatifs. En développant la notion de « sobriété numérique », Fabrice Flipo propose de lier la question des impacts environnementaux du numérique à celle de nos modes de vie, et de réfléchir à de nouvelles organisations sociales fondées sur l’idée de sobriété. A partir d’un travail mené auprès d’ateliers de réparation de smartphones, Laurence Allard montre comment les pratiques et les savoirs qui y sont développés peuvent nourrir une meilleure compréhension du lien entre numérique et environnement. Enfin, Jeanne Ferrari-Giovannangeli et Céline Morin s’intéressent au terme greenwashing et à l’emploi qui en est fait dans la presse, notamment par des acteurs professionnels qui souhaitent s’en démarquer.
Imaginaires et discours du numérique responsable dans les organisations
Cette deuxième session a permis d’aborder la prise en compte des enjeux liés au numérique responsable dans deux contextes distincts. S’appuyant sur sa thèse portant sur les imaginaires socio-techniques véhiculés par les think tanks, Fabrizio Defilippi montrent que ceux-ci ne sont pas encore tout à fait parvenus à croiser les questions environnementales et numérique. Venus présenter une initiative en cours au sein de l’Université Haute Alsace, Carsten Wilhelm et Muriel Béasse soulignent quant à eux la difficulté de s’approprier un concept comme le numérique responsable qui, s’il s’impose dans le débat public, reste relativement flou pour de nombreux acteurs.
Mettre en place le numérique responsable
Les derniers exposés de la journée ont été l’occasion d’aborder trois autres initiatives en lien avec le numérique responsable. María Inés Laitano et Jean-Marc Mennier participent à un projet visant à améliorer l’accessibilité des services numériques de l’université Paris 8, tandis que Kouamvi Couao-Zotti donne un cours consacré au Green SEO à l’IAE Poitiers : dans ces deux exemples présentant des projets novateurs tant sur la forme que sur le fond, un lien est fait entre société, numérique et environnement. Alt IMPACT, programme porté par l’ADEME, le CNRS et l’INRIA, vise entre autres à généraliser ce type de formations. Dans ce cadre, un inventaire des formations portant sur la sobriété numérique a été présenté par Jean-Marc Pierson.
Table ronde : Pratiques professionnelles du numérique responsable
Modérée par le journaliste Elie Petit, cette table ronde a réuni des professionnelles issues de structures variées : Saint-Gobain (Isabelle Bonhomme), l’Université Paris Nanterre (Barbara Bonnefoy), Digital4Better (Valérie Reynaud) et POLD (Saadia Ayadi). Elle a permis la tenue d’échanges riches autour du numérique responsable, de sa mise en place progressive dans les organisations mais aussi de ses limites tant face à des enjeux évoluant rapidement (comme dans le cas de l’IA) que face à des écosystèmes qui ne s’inscrivent pas toujours dans ce cadre d’action.
Apports et perspectives
Initialement centrée autour de la notion de numérique responsable, cette journée a permis de développer des réflexions sur un ensemble plus large d’approches faisant le lien entre environnement, société et numérique. La « responsabilisation » du numérique est en effet menée de front par des acteurs variés, à des échelles allant de l’action individuelle aux stratégies collectives concernant la société entière, et via des initiatives protéiformes, qui ont pour dénominateur commun de repenser la place et le rôle du numérique dans la société.
Face à ce constat, il apparaît pertinent de s’interroger tant sur les reconfigurations du champ professionnel du numérique en lien avec une nouvelle donne réglementaire, socio-économique et environnementale que sur la manière dont ces reconfigurations se traduisent au sein des formations d’enseignement supérieur. Sans se limiter au seul numérique responsable et en prenant acte de la grande diversité d’initiatives visant à prendre au sérieux les impacts sociaux et environnementaux du numérique, un travail de recherche sera mené sur la base de ces interrogations et des enseignements tirés de cette journée d’étude dans le cadre du projet « Reconfigurations du numérique pour la transition écologique : métiers et compétences » (RENUM), financé par l’ADEME et porté par le Dicen-IdF. Ce projet, qui s’inscrit dans la continuité du projet VUES, vise à atteindre trois objectifs : (i) cartographier le paysage professionnel du numérique responsable et de la sobriété numérique en identifiant les métiers émergents et l’évolution des professions existantes. (ii) Dresser une cartographie des formations liées à ce secteur et des compétences autour desquelles il se structure, en ne se limitant pas aux cursus en informatique, mais en adoptant un point de vue pluridisciplinaire et interdisciplinaire. (iii) Favoriser une réflexion collaborative et critique sur les métiers et les compétences et la production de recommandations co-construites entre les différents acteurs du secteur professionnel avec une perspective qui définit des scénarios à l’horizon de 2030 et de 2050, afin de mieux accompagner la transition numérique tout en respectant les principes de la transition écologique.
Enfin, les réflexions développées au cours de cette journée se poursuivront au sein d’un numéro de la revue Hybrid et consacré aux dimensions socio-écologiques du numérique.
